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Federico Mayor Zaragoza

Federico Mayor Zaragoza

Le Comité exécutif de l'AAFU a le regret de vous faire part du décès de Federico Mayor Zaragoza (Directeur général de l'UNESCO de 1987 à 1999) le 19 décembre 2024 à Madrid, à l'âge de 90 ans.

La veille de son décès, il avait envoyé à ses amis ses vœux de Noël 2024 avec ce message :

When everything appeared
Indecipherable, irreversible,
dark and meaningless,
radiantly arose in every human being
the light of the extraordinary mystery of life.
Suddenly, renewed hope
on new paths
on a personal and collective scale.
Now,duty of memory for urgent action.
Now, at last, the power of the word
and never again that of arms.
Now, yes, now. « we, the peoples »,

Equal in dignity. 

Au cours de ses douze ans à la tête de l'UNESCO (1987-1999), Federico Mayor Zaragoza a donné une nouvelle vie à la mission de l'Organisation, celle de « construire un bastion de la paix dans l'esprit de tous les peuples », en mettant l'institution au service de la paix, de la tolérance, des droits de l’homme et de la coexistence pacifique, travaillant dans le cadre de ses compétences et restant fidèles à ses objectifs initiaux. Sous la direction de Federico Mayor Zaragoza, l’UNESCO a créé le programme de la Culture de la Paix, dont les objectifs s'articulent autour de quatre thèmes principaux : l'éducation pour la paix, les droits de l'homme et  la démocratie, la lutte contre l'isolement et la pauvreté, la défense de la diversité culturelle et le dialogue interculturel ainsi que la prévention des conflits et la consolidation de la paix.

Le 10 novembre 1998, l'Assemblée générale des Nations unies a déclaré la période 2001-2010, Décennie Internationale de la Promotion d'une Culture de la Paix et de la non-violence au profit des enfants du monde. Le 13 septembre 1999, elle a adopté la Déclaration et le Programme d'action pour une Culture de la Paix, qui incarne les plus grandes aspirations de Federico Mayor Zaragoza, à la fois d’un point de vue conceptuel et pratique.

En mars 2000, Federico Mayor Zaragoza a créé la Fondation pour une culture de la Paix dont il est resté président jusqu’à sa mort.

À travers cette fondation, Federico Mayor Zaragoza a poursuivi la tâche qu'il a commencée en tant que directeur général de l'UNESCO, celle de promouvoir la transition d'une culture de la violence et de la force à une culture de la Paix et de la tolérance.

Vous pouvez envoyer vos condoléances à son épouse et sa famille à :
Fundación Cultura de Paz
Ciudad Universitaria de Cantoblanco
Pabellón C
c/Einstein, 13 Bajo
28049 Madrid
info@fund-culturadepaz.org

Dès a présent , l’AAFU collecte les témoignages de tous ceux qui l’ont connu .

Contributions à envoyer à : d.afus@afus.unesco.org

Par ailleurs, l’AAFU publie dans le numéro146 de LIEN /LINK, sous presse, un article de quatre pages sur le dernier ouvrage de Federico Mayor sous le titre « Le monde selon Federico Mayor »

Le Comité exécutif


Article paru dans la revue LIEN n° 147

Un directeur général charismatique

L’élection de Federico Mayor à la tête de l’Organisation en 1987 ne fut pas aisée. Il eut le soutien des lauréats de Prix Nobel de divers domaines et de scientifiques de renommée mondiale. Cet adoubement est très significatif pour sa direction de douze ans de l’UNESCO. Dix ans auparavant, alors qu’il était conseiller du président du gouvernement espagnol, Amadou Mahtar M’Bow, alors directeur général, lui proposa de devenir le directeur général adjoint. Un fait peu connu et passé sous silence, mérite d’être rappelé. A la fin des années 70, quelques États membres tentèrent une manœuvre afin que les Nations Unies lancent un programme d’envergure sur les sciences au service du développement. De manière évidente, le dessein était d’écarter l’UNESCO, ou de restreindre son programme au progrès des sciences fondamentales. La manipulation était adroite car les sciences exactes et naturelles et les sciences sociales et humaines étaient depuis les années 60 le véritable gouvernail des projets de développement. A tel enseigne, que feu le Premier ministre Yitzhak Rabin, dans un film dira plus tard : « La puissance d’un État ne réside plus dans le pouvoir de son armée ou de son économie, ni à la taille de sa population ou sa superficie, mais à sa capacité d’appropriation des sciences sous tous leurs aspects. »

Déjà en 1945, à la Conférence pour la création de l’UNESCO, le S de l’UNESCO fut controversé. Ce serpent de mer resurgissait. Le secrétaire général des Nations Unies était surpris par cette démarche. Amadou Mahtar M’Bow fut très astucieux : il confia à Federico Mayor (personnalité politique et scientifique reconnu) les pourparlers avec les principaux interlocuteurs pour désamorcer l’initiative considérée, aux conséquences néfastes pour l’UNESCO et incertaines pour les Nations Unies. Federico Mayor, en fin diplomate et en scientifique avisé, fut brillant et le danger, écarté, avec en contrepartie certains aménagements dans le programme scientifique de l’UNESCO.

Installation de Federico Mayor

Une ou deux semaines après son investiture, la première Conférence de presse de Federico Mayor était organisée dans la Salle du Conseil exécutif. Le Secretariat attendait, à juste titre, de nombreux représentants des organes de presse et des agences de presse, plus généralement des organes de communication. La publication en 1980 de « Plusieurs voix, un monde », connu sous le nom de Rapport MacBride, qui rendait compte des travaux de la Commission internationale pour l’étude des problèmes de la communication, avait provoqué une campagne de presse avec des accusations largement orchestrées par la Heritage Foundation, qui sévit encore de nos jours. Cette première Conférence de presse était capitale car les attaques contre l’UNESCO étaient incessantes. Je voulais être dans la salle pour entendre de mes oreilles et voir de mes yeux cet évènement inaugural. La mise en scène était parfaite : Federico arriva à l’heure, il avait quelques feuillets et de sa voix chaude il brossa de manière incisive les projets qu’il avait pour le programme en matière d’information et de communication. Il répondit franchement, aux questions des journalistes, dont certaines étaient piégées. Ses qualités de rhéteur et son charisme opéra : à la fin tous les participants se mirent debout et applaudirent à tout rompre. Il avait emporté cette manche.
Sa prochaine étape fut de cimenter les relations, certes déjà solides, avec les organisations non-gouvernementales internationales et en particulier les grandes ONG dans les domaines de compétences de l’UNESCO. Son étape suivante fut d’établir des relations aussi apaisées que possible avec les États-Unis d’Amérique pour favoriser leur retour au sein de l’Organisation.

Conclusion

Comme César pour Rome, Federico Mayor eut des ambitions sans limites pour l’UNESCO. Quelque fois ces ambitions lui furent reprochées, mais jamais de l’intérieur. C’est pourquoi il ne reçu aucun coup traitre de ces filles et de ses fils au cours de ses deux mandats de six ans et même bien après.

Georges Kutukdjian
Président honoraire de l’AAFU


Article paru dans la revue LIEN n° 147

Federico Mayor Zaragoza, un témoignage familial

On behalf of our mother and the whole family, we are very grateful for the initiative of the magazine LINK and the AFUS (Association of Former UNESCO Staff Members) to publish these testimonies of remembrance and tribute to our father.

We have witnessed our father's commitment to the principles and ideals of UNESCO for many years. During his time as Deputy Director General from 1978 to 1981, and as Director General from 1987 to 1999, he passionately told us what he learned from his travels in many countries around the world, about the richness of gaining an understanding about different cultures and points of view, about the urgent need to promote new initiatives to strengthen education for all, science at the service of society, human rights - especially those of women and children - the dignity of every human being, sustainable development..... All this within the framework of the concept of a culture of peace, which our father worked so hard to develop and which is embodied in the Declaration and Programme of Action on a Culture of Peace (adopted by the United Nations General Assembly in 1999), as an essential instrument for fulfilling UNESCO's founding mandate: "c'est dans l'esprit des hommes que doivent être élevées les défenses de la paix".

At the end of his second term at UNESCO, our father founded the Fundación Cultura de Paz in Spain to continue pursuing these ideals, which he did until the last moment of his life.

Our father always conveyed to us his gratitude and deep appreciation for the work of the UNESCO staff, both at Headquarters and around the world, for the work of the UNESCO Chairs, for the commitment of the members of UNESCO Clubs and Associations around the world. He truly had UNESCO in his heart.

He remembered with great affection, and so did we because we were direct witnesses, the event organised by the AFUS in Paris in February 2014, on the occasion of his 80th birthday. During the event, an international symposium on "UNESCO today" was held, with very distinguished participants, on the themes he was passionate about: the culture of peace; education, science, culture and communication in the service of development. There was also a very moving small exhibition of photographs and memories entitled "Federico Mayor: l'homme qui marche".

Indeed, our father was a man who was always on the move, who felt obliged to act to promote the ideas in which he believed. But he did so after deep reflection, trying to listen to others with an open mind.

On a more personal level, we would also like to highlight the essential and fundamental role that our mother played in his career, as an inspirer, as an advisor and as a pillar of the family.

In this family environment, when his commitments allowed it, our father was always a close and affectionate person, with a great sense of humour, who enjoyed life, literature and poetry (he wrote poems from his youth and never stopped until the end), the family holiday home near the sea, seeing his 7 grandchildren and 6 great-grandchildren grow up. In recent years, and especially in these times of great uncertainty and unease, concern for the future of the world in which they will live has been his great priority and concern.

In a recent issue of LINK, Ana Dumitrescu published an excellent review of the book "Inventing the Future", in which our father addresses the great challenges facing humanity and proposes, from a perspective that is both urgent and hopeful, possible lines of action in the areas of democratic multilateralism, reform of the United Nations system, human rights, education, sustainability, prevention of irreversible damage to the planet, the possibility of solidarity and the word, and the culture of peace. As Ana Dumitrescu recalled, in the last chapter of the book, our father called for the necessary participation of each one of us, in our sphere of influence, in this unrenounceable task: "Cher lecteur, je suis conscient qu'en raison de mon âge, il ne me reste que peu de temps pour poursuivre ma route. Tant que je vivrai, je continuerai à proclamer la force de la raison sur la raison de la force. Je continuerai à proclamer — en tant que scientifique qui n'a cessé de tenir compte des générations à venir du monde entière — qu'il est éthiquement impératif d'agir sans plus tarder pour corriger les tendances actuelles avant qu'il ne soit trop tard".

Institutions such as UNESCO remain indispensable in shedding light on this common task, so that together, as our father wished, we can build a viable future for the generations to come.

Federico Mayor Menéndez
Angeles Mayor Menéndez
Pablo Mayor Menéndez


Article paru dans la revue LIEN n° 147

Daniel Hamrol Bedogni, ancien fonctionnaire de l'UNESCO, témoign

Propos recueillis par la rédaction de LIEN / LINK

Dans quelles circonstances avez-vous appris à connaître Federico Mayor Zaragoza  ?

C’est le privilège d’accéder à une certaine légitimité en ayant été d’abord détaché à sa demande par le Premier ministre de la France et des Affaires Étrangères en 1992. Nos échanges passionnés sur de nombreux sujets géopolitiques ont été constants après son départ en 1999 jusqu’au 75ème anniversaire de l’ONU à Madrid, où Federico Mayor Z. m’invite à prendre la parole à ses côtés sur le thème de la Société civile et son rôle stratégique pour l’UNESCO.

Quel sentiment éprouvez-vous après son décès le 19 décembre 2024 ?

Tristesse mêlée à de l’espérance. À la lecture de la grande majorité des messages émouvants consacrés à sa mémoire, il serait bien indélicat de ne se référer qu’à l’étendard de la Culture de la Paix dont il est en effet l’artisan visionnaire. Peut-être aussi le sentiment d’avoir eu à constater une forme d’amnésie de ses deux successeurs qui ont manqué d’inspiration pour saluer avec la reconnaissance qui convient, la substance de leur héritage. Il faut extirper les raccourcis. Cela me fait penser à la parabole des talents dans les Écritures : qu’as-tu fait des biens que je t’ai confiés ?

En quelques mots, quels sont les traces de l’héritage laissé au cours de ses deux mandats électifs ?

Le palmarès de Federico Mayor est aussi diversifié que conséquent et donc impossible a résumer en quelques mots. D’abord, le caractère réducteur l’identifiant à la seule Culture de la paix, ne doit surtout pas faire abstraction des désordres internes de l’Organisation dont Federico Mayor Z. hérite en 1987. Il est le scientifique maître d’oeuvre d’une architecture rationnelle de son administration. Les canaux d’échanges qu’il établi avec les délégués permanents ont transfiguré l’inertie en une dynamique politique le temps de ses deux mandats ; à son départ, son contraire à pris le relais. À cela, il convoque les communautés scientifiques et intellectuelles du monde entier pour en faire un vivier de la connaissance holistique comme le fit Julian Huxley quarante-et-un ans avant. L’image et la notoriété de l’UNESCO ont une visibilité ascentionnelle dans les medias du monde entier. Plus de trente Déclarations à portée mondiale. Difficile de faire mieux à bilans comparés même si comparaison n’est pas raison. Ici, oui.

Pourquoi le comparez-vous à Julian Huxley ?

C’est un fait historique et prémonitoire. Federico Mayor Z. et Julian HUXLEY qui fût son premier prédécesseur à la D.G. de l’UNESCO de 1946 à 1948, présentent des similitudes uniques dans toute d’existence de l’UNESCO. Tous deux sont des scientifiques brillants, écrivains, esprits libres, charismatiques, orateurs talentueux, plutôt real politique que diplomate. L’un rédige en 48 heures le mode d’emploi du Mandat de l’UNESCO en 1946 et le second, Federico Mayor capitalise cette vision prospective de la connaissance scientifique et son mode opératoire dans les programmes. Il fait de l’UNESCO la Maison des peuples et non un donjon asceptisé. Julian Huxley recrutait une société civile militante de l’UNESCO et Federico Mayor accélère le développement des Centres et Clubs pour l’UNESCO dans toutes les strates de la société. C’est la justesse du rationnalisme scientifique et du visionnaire.

Qu’avez-vous pensé en 1999 lorsque Federico Mayor quitte le siège de son bureau au 7ème étage ?

A son départ, nous savions que la succession du prétendant à la fonction de DG en 1999 nécessiterait à l’évidence que celui-ci soit doté d’une carrure aussi large que son prédécesseur et d’un esprit éclairé tout aussi percutant en vue de poursuivre la trajectoire d’une Organisation intellectuelle de premier plan. C’est toujours a posteriori que les qualités exceptionnelles d’un homme forcent l’admiration envers et contre tout. A chaque élu, ses succès et ses échecs, l’histoire s’en occupe généralement.

Seriez-vous amené à dire qu’un esprit scientifique tels que Julian Huxley et Federico Mayor face aux diplomates exerçant les mêmes fonctions ont un avantage comparatif de l’un sur l’autre ?

La question ne se pose pas uniquement sous cet angle s’agissant de la complexité d’une charge de DG de l’UNESCO. Les désordres accélérés et cumulatifs du monde vers une décadence hors contrôle mettent en joue le multilatéralisme, l’ONU et ses Agences spécialisées. Le calibre d’un(e) capitaine de navire à l’UNESCO doit obligatoirement conjuguer des qualités hors normes au milieu de la tourmente géopolitique. Ce sont les États qui décident du casting et devront l’assumer à leurs dépends. Federico Mayor ne s’est jamais drapé dans la diplomatie de la convenance et moins encore dans la soumision aux injonctions politiques et diplomatiques. C’est la raison pour laquelle la communauté scientifique et les intellectuels de tous horizons ont fait du nom de F. Mayor Zaragoza une marque de fabrique onusienne prestigieuse qui densifie sans cesse l’épaisseur et la portée mondiale de ses convictions. L’histoire a déjà parlé.

Un dernier mot sur l’homme ?

Federico Mayor Z. aime les gens authentiques capables de partager des convictions. Le sens de l’honneur et l’empathie sont des vertus qu’il incarne. Il est doté d’une intuition redoutable qui fait barrage aux approximations. Un homme constant qui s’autorise à rédiger pour le 75ème anniversaire de l’ONU, le Manifesto, appel mondial aux peuples et à la jeunesse à provoquer un réveil historique pour s’opposer à la « ploutocratie » des gouvernants. Que dire de mieux ?

Federico Mayor Zaragoza

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