J’ai perdu un ami, Edgar Reichmann, rencontré à l’UNESCO voilà 40 ans.
Il était l’illustration parfaite du fonctionnaire onusien de sa génération, lettré, cultivé, polyglotte et, de surcroît, d’une grande courtoisie.
Né le 4 août 1929 à Galati, en Roumanie, fils de la Mitteleuropa et de l’Orient, reconnaissant envers la monarchie des Hohenzollern d’avoir protégé sa communauté, il prit la décision en 1957 de rejoindre ses parents déjà installés à Paris.
Son départ vers la France est un kaléidoscope de mots qui sonnent : l’arrachement, l’obtention de son visa de sortie sur une feuille de route, "un stück exporté", l’exilé, l’émigré et, enfin, l’heureux détenteur de sa carte d’identité française et d’un passeport français.
Plus tard, il voyagea avec le passeport bleu des Nations Unies, sans pour autant que s’effacent les stigmates liés au souvenir des chemins insensés qu’il avait traversés pour arriver en France, pays des libertés.
Je le revois marchant toujours d’un pas allègre, dans les couloirs de l’UNESCO, toujours pressé, ses yeux bleus pétillants et rieurs. Son sujet de prédilection : son poste en Côte d’Ivoire, pays qu’il adora. Il tricotait ses souvenirs d’un pays où il n’avait aucune histoire.
Après son départ de l’UNESCO, il continua d’écrire ses livres, aux beaux titres choisis, ses articles dans Le Monde des livres et la revue L’Arche. Son jardin secret était l’écriture, dans la langue de la liberté, le français qu’il maniait avec une élégance folle. Il dévorait les livres. C’était un esprit curieux, passionné.
Ces dernières années, je lui rendais souvent visite. Il me questionnait beaucoup sur l’UNESCO. Il avait été ravi d’apprendre la nomination au poste de Présidente de la Conférence générale,
de S. Exc. Madame Simona-Mirela Milucescu.
Je pense qu’il aurait beaucoup aimé la rencontrer et converser avec elle de la Roumanie, le pays où ils sont nés, en dégustant des papanași.
Parmi ses livres :
- Le dénonciateur (Buchet-Chastel, 1962)
- Le rendez-vous de Kronstadt (Belfond, 1984)
- Rachel (Belfond,1987)
Article d'Odile Blondy, paru dans la revue Lien n°146